Poésies
Amour de fleurs
A l’aube d’un temps très ancien, encore peuplé de magiciens,
Apparut une herbe nouvelle un peu plus grande, un peu plus belle,
Que ses voisines graminées, tout alentour disséminées.
Esquissant une fausse danse, sa tige ligneuse s’élance.
Elle découvre ainsi la lumière, la vie, la chaleur première
De l’astre roi du firmament dont elle veut faire son amant,
Frémir éperdument d’amour de ses longs rayons, pour toujours.
Comment lui dévoiler la flamme qui envahit toute son âme
De simple végétal mortel, aux tiges souples et naturelles,
Attiser sa curiosité, l’éblouir d’affabilité ?
Des fleurs elle n’en a point encore, il faut qu’en elle tout se décore,
Qu’une fastueuse corolle se convertisse en farandole
Faite de langues mordorées, de pétales jaune doré.
Le stratagème a réussi, le soleil est tout ébloui !
Depuis des lustres c’est ainsi, du matin au soir le voici :
Le tournesol ensorceleur, débordant d’amour en son cœur,
Escorte son astre adoré, à jamais pour l’éternité
Nouchka Favez
Dans la cour de ma maison
Petits bonshommes à bicyclette, joyeux fripons, petits malins,
Soutenue grâce à deux roulettes fixées à l’arrière de l’engin.
Cheveux au vent, nez en trompette, vêtus de vieilles salopettes
Ils pédalent résolument et font la course, c’est évident.
De long en large de la cour, de droite à gauche aller-retour,
Grisés par leur propre vitesse, ils perçoivent un public en liesse,
Massé en haut de l’escalier, applaudissant tapant des pieds,
Il les acclame pour de bon, ils sont si petits ces garçons !
Deux amusantes demoiselles gambadent en se tenant la main,
Jouant les mini-jouvencelles elles s’arrêtent sur le chemin,
Et s’inventent de belles histoires qu’elles se chuchotent dans l’oreille,
Eclatent d’un rire plein d’espoir ! Et leur frimousse devient vermeille.
C’est le vieux monsieur du deuxième, qui est la gentillesse même,
Il cultive heureux, plein d’entrain, bien caché derrière la maison,
Un tout petit coin de jardin ensoleillé en toute saison.
Quelques ados tout alanguis bronzent à perpétuité.
Sur le mur, mollement assis, ils se racontent leur été.
Mais survient le roi du ballon entraînant filles et garçons
Dans un grand match de fantaisie, ils dansent, joyeux, vive la vie !
Un peu plus haut dans le soleil, une douce et tendre maman
Dans ses bras berce une merveille : un tout nouveau petit enfant
Petit frère ou petite sœur de l’un de ces bambins joueurs.
Et le soir dès la nuit tombée, valse d’ombres mystérieuses
Emergeant de l’obscurité, elles s’avancent silencieuses,
Espérant chanter leurs amours… les chats s’approprient la cour !
Nouchka Favez
Etang d'automne
Dans l’étang impassible, comme immortalisés,
De jeunes frênes grêles, se mirent en ses eaux.
L’immobile miroir, accroît leur silhouette,
Et tout pousse à l’envers, faîte en bas, tronc en l’air !
Puis le gel a frappé, les arbres recourbés
Dans un fouillis de branches, de feuilles et d’entrelacs,
Se reflétant dans l’eau, offrent à contempler,
Quelques cercles magiques, ou dessinent un C.
De longs roseaux se meurent, de vert ils sont cuivrés,
Et leurs petites lances, transpercent le marais.
Dans un dernier rayon, ils apparaissent d’or,
Et l’étang presque noir, est tout illuminé
La surface frémit, un rond puis un remous !
Un canard égaré, sort de l’eau rassasié,
Dans le coin de son bec, prestement avalés
Les restes mordorés d’un poisson délogé !
Nouchka Favez
Impérissables chenilles rousses
Des chenilles rousses et goulues avaient jeté leur dévolu
Sur un groupe de tussilages, trouant lentement leur feuillage.
Sans se soucier d’un modèle, elles créèrent leur propre dentelle,
Laissant aux nervures des feuilles, la grâce de vibrer d’orgueil
De n’être point encore mangées, grâce aux chenilles transformées
En éblouissants papillons, batifolant, volant en rond.
Avides des plus fins nectars de sapins blancs ou de fayards.
Charmeurs de fleurs multicolores, ils frôlent leurs corolles d’or
Et sous les feuilles, évidemment, déposent délicatement
De petits œufs couleur vanille d’où naîtront les rousses chenilles !
Nouchka Favez
La promenade des verbes
Ne penser à rien et marcher,
Regarder, sentir, écouter,
Gravir la pente d’un sentier,
Poser sur les herbes ses pieds,
Boire un peu d’eau à la fontaine,
Admirer les feuilles d’un chêne,
Pleurer un vieux sapin cassé,
Découvrir un jeune sorbier,
Cueillir un brin de muguet blanc,
Ecrire un poème en marchant,
Manger les fruits d’un framboisier,
S’en réjouir plein de gosier,
Se reposer sur un caillou,
Rêver toujours d’un monde fou,
S’envoler au ciel en esprit,
Imaginer le paradis,
Se laisser chauffer au soleil,
S’extasier de cette merveille,
Vibrer avec un chant d’oiseau,
Humer les odeurs d’un troupeau,
Capter le signal d’un bourdon,
Attraper un moustique au bond,
Ecraser un pauvre escargot,
Rassembler des fleurs en fagot,
Repérer un nid d’écureuil,
Déranger peut-être un chevreuil,
Voir un gros ours au coin du bois,
Rire de celui qui me croit !
Nouchka Favez
Les grands frênes
Se jettent au profond une mare
A la recherche du secret
Des abysses de notre terre.
Ils veulent s’assurer
Que le reflet de leurs branches
Trouvent un ciel aussi bleu
Sur l’autre versant du monde.
Nouchka Favez
Un rêve farfelu
En plein après-midi
Adossée au poirier
Je lisais un récit
Qui me fit divaguer :
Une autruche coquette
Sur la tête un chapeau
Roulait à bicyclette
Tout au bord d’un ruisseau.
Debout sur un radeau
Une douce girafe
Pagayait sur les flots
A l’aide d’une gaffe.
A l’ombre d’un palmier
Un ours blanc tricotait
Pour se chauffer les pieds,
Un long cache-nez violet.
Un gros œuf de dindon
Se promenait à pieds
Heurta un caillou rond
Roula dans un terrier.
Se prenant pour un ange
Un énorme éléphant
Tout comme une mésange
Vola au firmament.
Assis sur une borne
Un escargot géant,
A l’aide de ses cornes,
Derrière un paravent,
Tapait sur un tambour
Pour appeler le jour :
Bruit bizarre de mon livre
Tombant à mes côtés
M’invitant à revivre
Dans la réalité !
Nouchka Favez
Amour de fleurs
A l’aube d’un temps très ancien, encore peuplé de magiciens,
Apparut une herbe nouvelle un peu plus grande, un peu plus belle,
Que ses voisines graminées, tout alentour disséminées.
Esquissant une fausse danse, sa tige ligneuse s’élance.
Elle découvre ainsi la lumière, la vie, la chaleur première
De l’astre roi du firmament dont elle veut faire son amant,
Frémir éperdument d’amour de ses longs rayons, pour toujours.
Comment lui dévoiler la flamme qui envahit toute son âme
De simple végétal mortel, aux tiges souples et naturelles,
Attiser sa curiosité, l’éblouir d’affabilité ?
Des fleurs elle n’en a point encore, il faut qu’en elle tout se décore,
Qu’une fastueuse corolle se convertisse en farandole
Faite de langues mordorées, de pétales jaune doré.
Le stratagème a réussi, le soleil est tout ébloui !
Depuis des lustres c’est ainsi, du matin au soir le voici :
Le tournesol ensorceleur, débordant d’amour en son cœur,
Escorte son astre adoré, à jamais pour l’éternité
Nouchka Favez